Vendredi, la Fédération Suisse d’Équitation a annoncé que Martin Fuchs et Steve Guerdat avaient décidé de boycotter la Longines League of Nations. Les deux cavaliers s’opposent à la suppression de l’emblématique concours de Sankt Gallen du calendrier. Comment devrais-je réagir à cela ? Boycott… c’est le terme employé dans le communiqué de presse. Je l’applaudis, et pourtant, je le déplore en même temps !
Depuis un an, les tensions entre les décideurs de la FEI et les cavaliers, souvent représentés par l’IJRC (International Jumping Riders Club), se sont nettement intensifiées. C’était inévitable. Comme l’a déclaré François Mathy Jr. à la fin de l’année dernière : « Il faut un cadre politique, mais en ce moment, les cavaliers se sentent abandonnés par leur propre fédération… » Si j’étais le PDG de Longines, je remettrais sérieusement en question mon partenariat avec les sports équestres. Et je vais expliquer pourquoi un peu plus tard.
Un équilibre essentiel
Notre sport repose sur trois piliers qui doivent constamment fonctionner ensemble. Fait intéressant, ce triangle peut prendre différentes configurations : fédération – cavaliers – organisateurs, mais aussi cavaliers – éleveurs – organisateurs, ou encore cavaliers – propriétaires – organisateurs. Qu’est-ce qui ressort ? La fédération n’est pas nécessairement un maillon crucial de cet équilibre. Cette prise de conscience est troublante. Car alors, pourquoi la FEI adopte-t-elle une posture si autoritaire ?
Soyons clairs : je comprends la nécessité de la FEI et je soutiens fermement sa présence. Je partage aussi l’avis de Theo Ploegmakers : « Un cadre politique est nécessaire pour que notre sport reste pertinent dans la société moderne. Bien que de nombreux cavaliers possèdent une grande sagesse, ils ne savent pas tout, et parfois, il faut le leur montrer… »
Cependant, établir des politiques, c’est avant tout écouter—écouter toutes les parties prenantes, traduire cela en un cadre légal et pratique, et l’adapter au contexte sociétal. Et c’est précisément là que les choses se compliquent.
Cela m’amène à la décision de Fuchs et Guerdat. Leur réaction aurait-elle été la même si, par exemple, Rotterdam (NED) avait été retiré du calendrier ? Une question inconfortable, mais légitime. Notre sport évolue rapidement, en partie grâce au Global Champions Tour de Jan Tops. Cette dynamique oblige la FEI à évoluer également. Ajoutez à cela la pression extérieure du CIO et de l’opinion publique, et vous comprenez pourquoi certaines traditions disparaissent. Est-ce une question d’élitisme ? Je ne pense pas. Mais soyons honnêtes—notre sport est élitiste. Point final.
La FEI aurait-elle dû maintenir Sankt Gallen au calendrier ? Probablement. Pourquoi ne pas avoir envisagé plusieurs concours qualificatifs, en ne comptabilisant que certains pour le classement ? Le choix a sans doute été dicté par des raisons financières. Mais c’est précisément là que je tiens la FEI pour responsable. Un décideur doit optimiser la structure financière dans l’intérêt du sport. Si la fédération ressent une pression concurrentielle des événements commerciaux, elle doit renforcer son propre modèle pour rester compétitive économiquement. Peut-être devrait-elle s’inspirer du (commercial) Longines Global Champions Tour, qui cherche toujours à se développer !
Rolex, Rolex, et…
Ce qui me ramène à ma réflexion précédente : et si j’étais le PDG de Longines ? J’embrasserais Jan Tops et j’augmenterais la pression sur la FEI. Pour rappel, en 2013, Longines a signé un contrat de dix ans avec la FEI, récemment prolongé. Mais quelle satisfaction la marque horlogère tire-t-elle encore de ce partenariat ? Avant 2013, c’était Rolex qui collaborait avec la FEI. En réponse, Rolex a lancé le Grand Slam. Et soyons honnêtes—Rolex a réussi à associer les sports équestres à un engouement populaire.
Qu’est-ce qui différencie ce circuit ? Je soupçonne que c’est la motivation qu’il insuffle à ses organisateurs. Rolex veille à les satisfaire et à les impliquer, ce qui les pousse à redoubler d’efforts pour le bien du sport. Cela attire les cavaliers et les incite à valoriser Rolex en tant que marque associée aux sports équestres. C’est ainsi que ce triangle doit fonctionner.
Ainsi, j’applaudis ce boycott—il traduit le sentiment des cavaliers face à un déséquilibre dans le système. Mais en même temps, je pleure pour notre sport… car sans équilibre, il ne peut y avoir de progrès.