À l'occasion du CSIO 5* de La Baule, Equnews.fr est parti à la rencontre d'une des grandes figures du Saut d'Obstacles. Médaillé d'or aux Championnats d'Europe de 2009, d'argent par équipe aux JEM de 2010 et de 2014 ainsi qu'aux Europes de 2011, il a été numéro un mondial pendant 10 mois et n'a pas quitté le top 12 mondial depuis plus de trois ans... Vous l'aurez sûrement reconnu, il s'agit de Kevin Staut ! Il nous parle aujourd'hui de son piquet de chevaux, de son système et nous donne également son avis sur les nouvelles mesures que souhaiterait prendre la FEI...

Pourriez-vous nous décrire votre piquet de chevaux actuel ?

"J'ai des chevaux d'expérience : Silvana*HDC que je monte depuis longtemps, Rêveur de Hurtebise*HDC qui a participé aux JEM l'année dernière et Estoy Aqui de Muze*HDC qui a notamment participé à plusieurs Coupes des Nations. Derrière ces chevaux d'expérience il y a des chevaux en devenir comme Ayade de Septon*HDC qui réalisait sa première Coupe des Nations à Lummen début mai. Elle a 9 ans donc elle est dans un âge un peu transitoire. J'ai aussi une jument qu'Emmanuelle et Armand Perron-Pette viennent d'acheter, Elky van het Indihof*HDC qui est très très prometteuse. Des chevaux comme Quismy des Vaux*HDC ou encore Sunday Top*HDC sont très utiles pour les épreuves intermédiaires. Estoy s'est blessée pendant la séance d'entrainement avant la Finale Coupe du Monde donc elle est en convalescence et reprendra le travail d'ici deux semaines (soit autour de la fin du mois de mai, ndlr). Le temps de la remettre en condition, il faut encore un mois et demi - deux mois avant qu'on ne la revoit en compétition. Concernant For Joy van't Zorgvliet*HDC cela a été long parce qu'il y avait un traitement au niveau de la rotule qui a demandé des soins en profondeur avec un long temps de repos. Il ressort la semaine prochaine à Deauville (23 et 24 mai, ndlr) mais il faut le remettre en route progressivement donc cela va prendre surement deux ou trois mois avant de le revoir à son meilleur niveau. Pour les Championnats d'Europe, j'essaye de garder en lice Rêveur et Ayade qui devraient aller au Rolex Grand Slam d'Aix-la-Chapelle (30-31 mai, ndlr) pour se familiariser avec le terrain. Ces deux chevaux-là vont rester sur la formule des Coupes des Nations, au moins sur Saint-Gall et Rotterdam. Je vais également continuer de me mettre avec Elky sur les 5*, on a la chance d'avoir un programme assez riche pour le faire. Qurack de Falaise*HDC est un cheval qui a vraiment un gros potentiel, c'est un peu une surprise à ce niveau et il a besoin de continuer encore d'évoluer. Je pense que ce sera un peu tôt pour les Championnats d'Europe mais en continuant à prendre de l'expérience pourquoi ne pas lui donner sa chance l'année prochaine. Avec tout ce qui peut arriver dans la carrière d'un cheval, et donc de celle d'un cavalier à travers son piquet de chevaux, c'est important d'avoir plusieurs montures pour les grandes échéances et j'ai cette chance-là avec mes propriétaires.  

Comment décririez-vous votre système ?

Depuis longtemps j'ai essayé d'axer un système essentiellement sur le sport de haut niveau. Dans notre sport en tant que métier, on peut faire énormément d'activités que ce soit la formation de jeunes chevaux, le coaching, le haut-niveau, le commerce... Pour ma part j'ai donc toujours essayé de me concentrer sur le haut-niveau en mobilisant des partenaires, des propriétaires, des sponsors afin de me focaliser là-dessus et ne pas jouer sur tous les tableaux. Maintenant que nous sommes assez unis et soudés avec Emmanuele et Armand Perron-Pette, qui en tant que propriétaires misent totalement sur le sport avec une association, Jump Five, on arrive à étoffer notre domaine d'activité avec des personnes comme Frank Schillewaert qui va s'axer surtout sur le coaching et la formation des jeunes chevaux, Delphine Perez qui va s'occuper du repérage et de l'achat / vente des chevaux, Patrice Delaveau et moi plutôt vers le sport... Mais tout cela se fait vraiment sous forme d'association, il y a un échange entre tous les acteurs et une solidarité assez importante qui permet de gagner en efficacité. Le choix de nouveaux chevaux : Le partage de l'expertise, l'échange entre les différents cavaliers sert justement dans ce cas-là. Il faut déjà bien cibler le type de monture qui va convenir au haut-niveau. Le sport a évolué très vite, il faut des chevaux énergiques, dans le sang, avec de la force mais force et moyens ne sont pas l'unique qualité nécessaire ce qui rend le repérage des jeunes chevaux assez difficile. Pour les chevaux avec un peu plus d'expérience on peut juger aussi sur les résultats. Une fois qu'on a repéré certains chevaux, ce qu'on essaye de mettre en place c'est que les propriétaires puissent nous les confier pendant un certain temps pour qu'on les essaye en situation c'est-à-dire en concours. Cela s'est passé comme cela pour Elky par exemple comme pour d'autres qui ont peut-être été commercialisés par la suite mais je pense que de toute façon c'est gagnant-gagnant pour les deux parties. Côté propriétaires, leur cheval est dans une écurie avec des infrastructures de qualité, on essaye de les monter le mieux possible, réfléchir du programme ensemble. Quand le but pour le propriétaire est de l'exploiter dans le sport alors il n'y a, je pense, pas meilleur moyen que ce que l'on essaye de proposer. Quand l'idée est plutôt de commercialiser on sait que le haut-niveau est une vitrine formidable, il y a aujourd'hui énormément de clients pour des chevaux de qualité. Donc à travers notre système on arrive à prendre des chevaux dans cette idée-là. Le coaching : Concernant les stagiaires je pense que je ne l'aurais pas fait si j'avais été seul, mais maintenant que je suis vraiment bien épaulé, qu'on arrive à tous travailler en collaboration intelligente, j'ai certains élèves que j'arrive à suivre trois jours par semaine, exceptionnellement sur quelques concours quand ils arrivent à me suivre sinon Franck prend le relais à la maison. Il y a toujours quelqu'un, il y a vraiment un dynamisme assez intéressant et dans ce système-là je pense que c'est bien que l'on arrive à toucher un peu à tout car chacun a sa spécialité et chacun arrive à prendre le relais quand il y en a un qui manque de temps ou de compétence. C'est un système qui est au final assez attractif pour les potentiels clients que ce soit pour le coaching, le commerce, la formation des chevaux etc. On arrive normalement à couvrir à peu près tous les domaines et de manière égale en proposant surtout la meilleure qualité possible. L'équipe : J'ai une personne au bureau qui s'occupe de toute la logistique, une personne qui s'occupe de toute la partie média / communication et dans le fonctionnement des écuries cela représente six personnes : deux grooms de concours parce que le programme est tellement chargé qu'il faut arriver à vraiment avoir des personnes de qualité et motivées à aller en concours et un staff à la maison avec des cavaliers maison qui arrivent à entretenir les chevaux quand je suis absent notamment. Chaque personne a ses qualités et son poste, sa spécialité et c'est vraiment important d'avoir les meilleures personnes à ces postes-là.
Salarié des Ecuries Kevin Staut en tant que cavalier maison, Maxime a bien voulu nous donner quelques informations sur la façon de travailler au sein des écuries : "Le travail aux écuries est très polyvalent, certains sont plus grooms et d'autres montent plus mais chacun est capable de tout faire même si tout le monde est plus spécialisé dans un domaine ; un cavalier peut par exemple s'occuper des soins tandis que les grooms peuvent également aller monter des chevaux en balade ou à la plage. L'ambiance est très agréable, nous sommes tous motivés par le sport et la passion des chevaux. On essaye de tous avoir la même équitation que Kevin, il nous donne certains points à travailler en fonction des chevaux, de leurs facilités, de leurs problèmes et des échéances qui les attendent. C'est un patron extrêmement sérieux et travailleur qui sait motiver son équipe. Kevin aime vraiment ses chevaux, il se préoccupe toujours de leur bien-être. Il pense "cheval". On emmène les chevaux à la plage plusieurs fois par semaine pour leur moral et leur condition, ils vont au paddock tous les jours, les fenêtres sont tout le temps ouvertes pour qu'ils puissent être au maximum en contact avec l'extérieur... Il essaye aussi de donner une place à chacun. L'avis de tout le monde compte et il aime échanger avec nous concernant l'état et l'évolution d'un cheval ; il veut toujours savoir ce que l'on pense. Le fait que l'on monte des chevaux d'une telle qualité et d'une telle valeur nous met forcément un peu de pression mais nous nous l'imposons nous-même ; personne n'est derrière nous pour nous la mettre. En vivant avec les chevaux on apprend à faire avec mais il faut toujours rester vigilant avec eux en général. Kevin et ses propriétaires nous font en tout cas entièrement confiance ce qui est ainsi plus facile pour que l'on travaille bien et que l'on puisse prendre des initiatives et s'épanouir."

La FEI vient de changer de président et un Sport Forum a eu lieu il y a peu de temps, quel regard portez-vous sur les nouvelles idées avancées ?

Les Coupes des Nations et Championnats à trois cavaliers par équipe pour mondialiser notre sport : je suis contre. Que l'on puisse ouvrir le sport gentiment quand les équipes sont au niveau oui, comme cela a déjà été fait avec le Qatar par exemple. Le niveau d'épreuves auxquelles il faut participer pour pouvoir aller à un Championnat comme les Jeux Olympiques est assez simple, il suffit de faire huit points ou moins dans une 1.50m donc c'est abordable. Si l'on souhaite ouvrir le sport il faut cependant veiller à garder des critères de sélection un minimum rigoureux. Et on verra à ce moment-là que le tri se fera par le sport et non pas par une ouverture sans raison des Coupes des Nations à un nombre indéfini d'équipes (but recherché par la FEI dans la mise en place de CdN à 3, ndlr). L'intérêt d'une épreuve par équipes de quatre couples est d'avoir un score qui ne compte pas et c'est cela qui fait tout l'intérêt, toute l'histoire d'une Coupe des Nations avec en plus une grande part de suspens. La plupart des cavaliers sont de toute façon plutôt contre cette idée de Coupes des Nations à trois... Une autre idée qui fait débat c'est d'essayer d'enrayer le système des "wild card" avec une distribution des points de ranking en fonction du nombre de ces wild card. On sait que le classement mondial est vraiment important et certaines personnes aimeraient pouvoir contrôler ce système. C'est-à-dire que par exemple si sur un concours il y a 50% de wild card on ne distribue que 50% des points de ranking. L'aspect délicat est de savoir réellement combien de personnes viennent en étant invitées... Cela me paraît très difficile de manager ça, cela fait longtemps que la FEI essaye de contrôler le nombre de wild card ce qui est bien pour justement que le sport reste ouvert à tout le monde et qu'il ne soit pas réservé aux personnes qui sont capables de payer, mais maintenant il y a encore du travail à réaliser sur la manière d'y arriver. Pour les Championnats, je trouve que c'est bien d'avoir différentes formules. Les Jeux Olympiques restent les Jeux Olympiques, on a une finale qui repart à zéro le dernier jour sur deux manches et selon moi c'est bien que cela reste spécifique aux Jeux Olympiques. Ensuite un Championnat c'est aussi la régularité sur toute une semaine et alors le système JEM et Championnats d'Europe s'y prête bien. Pour une fédération, c'est toujours important de s'aligner au maximum sur le modèle olympique mais d'autres sports vivent très bien sans appliquer complètement leurs règles autour de ce modèle. Pour nous, les Jeux Olympiques restent très importants et je pense qu'il faut laisser cette épreuve à part. D'après moi, aujourd'hui, on n'a pas besoin de tout révolutionner, mais juste d'améliorer l'existant. On a déjà une base très solide comprenant par exemple les Coupes des Nations qui évoluent bien avec maintenant une Finale à Barcelone ; c'est un circuit qui plaît.  

Pour terminer, quel est le cavalier qui vous a le plus marqué dans votre carrière ?

Il y en a beaucoup parce que je regarde beaucoup les autres, je pense à Marcus Ehning pour la technicité et l'esthétisme, en ce moment à Scott Brash pour la simplicité de l'équitation et la régularité, ou encore à Ludger Beerbaum pour l'ensemble de son système. J'essaye vraiment de regarder tous les cavaliers pour essayer de m'inspirer de leurs points forts. Le sport évolue tellement vite qu'il faut continuer de regarder, s'inspirer de ce qui fonctionne vraiment bien et prendre des idées quand elles sont là en les adaptant à notre propre système."